Numéro 3/4 - 2014
N° ISSN : 0752-5656
Revue Archéologique de Picardie - Numéro 3/4 - 2014
Disponible !
Format 21 x 29,7 couverture 350 g couleur, pelliculée
(324 pages)
Sommaire :
Quinze ans d’archéologie préventive sur les grands tracés linéaires en Picardie
seconde partie
sous la direction de Didier Bayard, Nathalie Buchez
& Pascal Depaepe
Préambule par Didier Bayard
Les vestiges de l’Antiquité sur les grands tracés linéaires en Picardie
par Didier Bayard et Patrick Lemaire
Introduction
Un échantillon représentatif de l’espace régional ?
Les éléments constitutifs
éléments de synthèse
Annexes
Bibliographie
Le haut Moyen Âge
par Véronique Harnay avec la collaboration de Didier Bayard & une contribution de Vincent Legros
Introduction
Analyse des principaux sites
Morphologie de l’habitat : de l’habitat dispersé à l’habitat groupé
Les activités agricoles
Les activités artisanales
Les activités liées aux rivières
Conclusion générale
Bibliographie
Bilan des études carpologiques réalisées dans le cadre des grands tracés en région Picardie
par Véronique Zech-Matterne
Résumés :
Les vestiges de l’Antiquité sur les grands tracés linéaires en Picardie
résumé
Les vestiges de l’Antiquité ont été rencontrés en grand nombre sur les tracés des autoroutes A28, A16 et A29. Tous n’ont pas bénéficié d’une fouille ou même d’une évaluation et rares sont les opérations qui ont abouti à une publication. Il subsiste de ces travaux considérables une masse documentaire hétéroclite en grande partie inédite, qui a fait l’objet d’un recensement, d’un travail de formalisation et de critique dans le cadre l’ACR Quinze ans d’archéologie préventive sur les grands tracés linéaires en Picardie. Nous avons essayé de rendre compte de ce travail dans le premier chapitre, après avoir présenté l’ensemble de la documentation, son état, son potentiel et ses limites. Cet ensemble a été considéré comme un échantillon relativement représentatif des habitats antiques dans les régions traversées, composé de 57 établissements plus ou moins bien caractérisés. L’une des principales difficultés a été justement de caractériser des sites fouillés partiellement et de les attribuer à l’une ou l’autre des cinq ou six principales formes d’occupation qui ont été identifiées : les fermes, les villae, les habitats ouverts, les annexes ou les établissements routiers. L’un des moyens qui a été choisis pour assurer cette caractérisation a été de recenser les éléments archéologiques qui les constituent : fossés, constructions sur poteaux, sur solins ou sur fondations massives, caves et resserres, fonds de cabane, structures de combustion et structures funéraires (chapitre 2). Après une mise en perspective dans le contexte historiographique régional, le dernier chapitre expose les principaux apports de l’ACR à la question de l’occupation du sol et de ses dynamiques, à la connaissance des différentes catégories d’établissement, certaines déjà bien connues comme les villae, les autres, les fermes, les habitats ouverts et les établissements marginaux , complètement méconnues. Le paysage routier fait l’objet d’un développement afin de remettre les quelques établissements routiers découverts dans une perspective générale. Le chapitre se termine avec la présentation des acquis les plus significatifs sur les fossés dits de parcellaire et par une évocation des paysages de l’Antiquité, à partir des données paléo-environnementales.
Le haut Moyen Âge
Résumé
L’Action Collective de recherches intitulée Quinze ans d’archéologie préventive avait pour objectifs principaux de faire connaître l’essentiel des résultats obtenus dans les nombreuses fouilles qui ont été conduites entre 1989 et 2003 dans le cadre des grands travaux menés sur le tracé des autoroutes A28, A16 et A29. Le dernier chapitre chronologique est consacré essentiellement aux occupations du haut Moyen Âge, les témoignages postérieurs au XIIe siècle étant très rares ; ce qui constitue d’ailleurs une singularité régionale. La rareté des indices datant du Moyen Âge classique et du bas Moyen Âge peut s’expliquer par le fait que le tracé des autoroutes évite soigneusement les villages actuels, ce qui implique par ailleurs une origine ancienne, dans le haut Moyen Âge, de cet habitat groupé traditionnel. Et c’est effectivement durant les premiers siècles de la période que l’on passe de l’habitat dispersé composé de grandes exploitations agricoles que sont les villae de l’Antiquité à l’habitat groupé et l’openfield si caractéristiques de la Picardie.
Il faut attendre le VIe siècle pour disposer d’une documentation archéologique substantielle. La fin de la période reste floue, entre le milieu du XIe siècle et le début du XIIe siècle, au terme d’un processus de restructuration des habitats ruraux bien attesté aussi bien par les sources archéologiques qu’historiques, qui accompagnent un remarquable essor des campagnes. La force du contraste entre l’habitat antique dispersé et l’habitat groupé du Moyen Âge classique donne une idée de l’ampleur des mutations qu’ont connues les campagnes picardes entre la fin de l’Antiquité et la fin du haut Moyen Âge. Une vingtaine de sites constitue le corpus de ce chapitre. L’éventail des structures attestées sur les sites du haut Moyen Âge est limité à une dizaine de types, tout au plus. L’essentiel est représenté par les trous de poteaux qui constituent pratiquement les seuls témoignages des constructions hors du sol. Le bâti est quasi exclusivement réalisé en matériaux périssables, principalement en bois et torchis. La construction en pierre est réservée aux édifices de statut particulier (le seul exemple du corpus est un édifice religieux à Saleux). La restitution des plans de bâtiments à partir de la répartition des trous de poteaux est un exercice délicat dont les difficultés ont souvent été sous-estimées. Les obstacles à la lecture sur le terrain sont variés : perturbations postérieures, superposition de constructions successives autorisant plusieurs hypothèses concurrentes. Les fonds de cabane, les silos, les fours culinaires, les puits, les mares, les fosses d’extraction constituent les autres structures les plus courantes des habitats du haut Moyen Âge.
Le funéraire est présent à Saleux où le cimetière de près de 1 200 tombes a été fouillé intégralement. Ailleurs il est représenté marginalement par de petits groupes ou des sépultures isolées au cœur ou en périphérie d’habitats. La fréquence des ces petits ensembles amène aujourd’hui à les interpréter comme une composante des modes funéraires de l’époque au même titre que les cimetières constitués, plutôt que comme des phénomènes d’exclusion, même s’il est pratiquement impossible de connaître les raisons de ces choix. En revanche, sur quelques sites, certaines tombes présentent bien les caractéristiques de « tombes de relégation » ou « de catastrophe ». Les gestes funéraires sont très différents. Les orientations, les positions des individus et les modes d’inhumation sont chaotiques.
Les sites rencontrés au hasard des travaux présentent une grande variété de formes et de situations, difficilement réductible à des classements, d’autant plus que l’image que nous transmet la fouille ne correspond qu’à une partie du site, parfois très réduite. Une approche typologique se heurte ensuite à la taille du corpus, trop limité pour se prêter à un classement en fonction des caractères de l’habitat suivant les différentes périodes d’occupation. Troisième obstacle, la difficulté à préciser la chronologie des occupations à partir d’un mobilier encore mal connu et peu abondant. Cela dit, quelques tendances générales se dégagent de cet échantillon qui suit globalement une évolution commune, dans laquelle il est possible de distinguer trois ou quatre grandes étapes chronologiques.
La fin de l’Antiquité est caractérisée par une rupture dans l’occupation des sols. La plupart des habitats gallo-romains qui avaient résisté aux premières invasions de la fin du IIIe siècle sont désertés dans les premières années du Ve siècle. Les ruines des ces habitats attirent parfois une occupation alto-médiévale, mais dans tous les cas il y a discontinuité de l’occupation. Le hiatus est souvent de l’ordre d’un ou deux siècles. La moitié des habitats du haut Moyen Âge paraît plutôt correspondre à des fondations ex nihilo, le lien avec l’Antiquité n’étant assuré que par les cadres du paysage : des chemins antiques révélés par leurs fossés latéraux ou des fossés de parcellaire. Les vestiges attribuables aux deux siècles mérovingiens sont souvent trop peu nombreux ou trop peu explicites pour restituer une image de ces habitats. La fin du VIIe siècle constitue à nouveau un tournant important pour les campagnes avec l’abandon des cimetières de plein champ. Il n’est pas nécessaire de revenir sur ce phénomène. Il est remarquable cependant que cette rupture ne soit pas aussi manifeste dans les habitats contemporains. Les mutations que l’on peut observer sont progressives. Les habitats fondés un siècle ou un siècle et demi plus tôt demeurent dans leur grande majorité. Ils connaissent au cours des VIIIe-IXe siècles une organisation plus stricte de l’espace qui peut résulter d’une densité croissante de l’occupation. L’époque suivante, entre le milieu du IXe siècle et la fin du Xe siècle, est une étape encore difficile à cerner. Elle a été individualisée en raison du nombre de désertions qui semble augmenter. Il est possible en outre que de nouveaux établissements fassent leur apparition. Mais ailleurs, ce sont les tendances amorcées précédemment qui se poursuivent et se développent. De nouveaux indices témoignent d’une intensification de l’exploitation du sol et d’une plus grande structuration des activités économiques. Divers indices montrent le développement des activités artisanales à cette époque, la multiplication des fonds de cabane comportant des traces de métiers à tisser, le regroupement des silos et des fours dans des aires spécialisées, la maîtrise de l’énergie hydraulique avec la présence de moulins, l’industrie métallurgique.
Seuls quelques sites de notre corpus perdurent au-delà des invasions normandes, au XIe siècle.
La contribution des grands travaux n’est pas seulement conjoncturelle, limitée au seul processus historiographique de l’évolution de la discipline, de notre appréhension très progressive de ces habitats, de l’évolution des stratégies et des méthodes pour les étudier. Il existe aussi des apports déterminants qui constituent des acquis irréversibles. L’un des points les plus remarquables est sans doute le nombre élevé d’habitats repérés sur les plateaux, loin des points d’eau et complètement isolés de l’habitat actuel. Cette fréquence a été un sujet d’étonnement pour tous, y compris les spécialistes de la question. Ce simple constat ouvre des perspectives de recherche extrêmement variées et donne l’espoir que l’archéologie puisse jouer un rôle majeur dans les recherches sur l’origine du village traditionnel et celle de l’openfield. La mise en évidence d’une évolution sensible dans la morphologie des établissements, dans la densité des vestiges, dans la structuration des espaces, l’apparition d’indices de différenciation socio-économique, sont autant d’acquis indiscutables qui seront intégrés tôt ou tard dans les discussions des historiens. Ces derniers regretteront peut-être de ne pouvoir disposer ici de synthèses plus abouties et de conclusions plus assurées, mais il était difficile d’aller plus loin dans les conclusions. Cet échantillon est réduit et devra être exploité à l’avenir à la lumière d’autres chantiers.
Bilan des études carpologiques réalisées dans le cadre des grands tracés en région Picardie
Résumé
Les études carpologiques associées à la fouille ou au diagnostic de 68 établissements ruraux implantés sur les grands tracés autoroutiers ou ferroviaires de Picardie permettent d’esquisser les évolutions survenues dans les modes de production et de consommation des denrées végétales entre la Protohistoire ancienne et le début des périodes médiévales. La céréaliculture apparaît dominante, et repose principalement sur quatre espèces dont les proportions relatives évoluent au cours du temps : l’orge vêtue, les blés vêtus de type amidonnier et épeautre et les blés nus (froment et/ou blé dur). Après la conquête romaine, la Picardie se scinde en deux zones d’exploitation distinctes, assorties de pratiques d’élevage qui se différencient également. Le sud de la région adopte massivement la culture des blés nus tandis que les domaines localisés au nord de la Somme maintiennent la culture des blés vêtus en privilégiant toutefois l’épeautre. L’essor de l’arboriculture fruitière intervient également au début des périodes historiques.